Il y a dix-huit ans, Susan Mercer, jeune diplômée canadienne, décide de s’installer au Japon. Elle y rencontre son mari, Hitoshi Tojo, avec lequel elle a deux enfants. Mais une autre rencontre, plus insolite, décide de son avenir dans son pays d’adoption : celle d’un chaton abandonné devant une supérette, le premier des centaines de chats et de chiens dont elle prend soin encore aujourd’hui, à travers son ONG HEART Tokushima, sur la grande île rurale de Shikoku.
J’ai toujours aimé les animaux, mais je n’aurais jamais pensé m’occuper d’un refuge. Quand j’ai recueilli ce chaton, je devais m’en occuper, il n’y avait pas d’autres options, nulle part où le confier.
Lorsque Susan a adopté celle qu’elle baptisera Joey, les fourrières existaient déjà au Japon. Cependant, tout comme aujourd’hui, par manque de place et d’adoptants, 90% des animaux confiés y sont euthanasiés. Si d’ici 2020 le gouvernement japonais s’est fixé pour objectif de ne plus tuer aucun de ces animaux sans foyer, un gros travail informatif est encore nécessaire afin de faire connaître ces refuges et inciter à adopter. Comme en France, changer la perception qu’on peut avoir de ces chiens et chats est également essentiel. Souvent considérés comme des animaux à problèmes, malades, les animaux de refuge semblent moins attractifs que les bébés mignons et « neufs » que l’on trouve en animalerie, deux critères très importants au Japon.
C’est en cela que le travail de Susan, de son mari Hitoshi et de la quinzaine de bénévoles réguliers de HEART est primordial sur l’île de Shikoku, une région rurale où les animaux sont plus abandonnés qu’ailleurs dans l’archipel nippon. Aucun animal n’est euthanasié dans ce refuge de Tokushima qui compte à ce jour 127 chiens et 30 chats, tous ayant un profil sur le site Internet de l’ONG afin d’être adopté selon des critères rigoureux. Susan, qui récupère aussi les compagnons de propriétaires décédés et s’occupe directement à son domicile de plusieurs animaux, est prof d’anglais le matin, mère de famille à temps plein, et également éducatrice canine. Tout ça sans sembler pouvoir afficher autre chose sur son visage qu’un sourire et une bienveillance qui forcent l’admiration.
Il est très important de stimuler physiquement et intellectuellement nos chiens afin qu’ils ne développent pas des tocs liés à leur enfermement. Nous sommes très chanceux d’être installés là où nous sommes, nous avons un grand espace pour promener les chiens.
Situé à Tokushima depuis 2006, et dans les hauteurs verdoyantes de cette même ville depuis 2012 pour raison d’agrandissement, la construction du refuge n’a été possible que grâce à l’énergie du couple et des bénévoles. Ne recevant aucune aide du gouvernement, l’organisation vit grâce aux dons. Pour s’occuper de ses animaux pendant un mois, HEART dépense plus de 10 000 euros en croquettes, soins et frais divers liés à l’entretien des lieux. Quatre personnes sont aujourd’hui salariées. L’ONG a également dû faire en sorte que le voisinage, pourtant distant dans cet espace au milieu de la forêt, s’accommode de la vie d’un tel refuge.
Mais HEART ne s’occupe pas que des animaux abandonnés de l’île de Shikoku et des régions du sud du Japon. En 2011, suite au terrible tsunami qui a causé la mort de milliers de personnes dans la préfecture de Fukushima et l’accident nucléaire dont les conséquences dévastatrices meurtrissent encore toute cette région, Susan, alors enceinte de huit mois, son mari et de nombreux volontaires ont fait plusieurs allers-retours jusqu’au nord du Japon afin d’aller récupérer à peu près 130 animaux, victimes eux aussi de cette tragédie.
Certains de ces chiens et chats sont depuis décédés mais la plupart ont été adoptés, parfois même réunis avec leur famille d’origine. Au refuge, il ne reste aujourd’hui que cinq chiens originaires de Fukushima.
Quand on demande à Susan si elle est parfois fatiguée par son emploi du temps quotidien, elle répond que oui, en riant. Que presque tous les jours elle se dit qu’elle ne peut plus continuer. Mais quand on l’interroge alors sur sa volonté de ne pas lâcher, son visage s’illumine de tendresse :
C’est pour les animaux évidemment. Il n’y a pas d’autres choix pour eux, c’est ma responsabilité. On continue pour eux.
À ce jour, HEART Tokushima a offert une nouvelle maison à plus de 1400 animaux.
Merci à Susan Mercer, notre deuxième étoile, ainsi qu’à Hitoshi Tojo et les équipes de HEART Tokushima.